mercredi 29 août 2012

Nathalie Riera le 23 septembre à la Petite Librairie des Champs


Nathalie Riera
(Textes inédits, 2012)



l’ange et l’âne
dans l’infaillible espéranto
du monde
parlent
du plaisir jamais éteint
Mina Loy, Le Jazz de la veuve, Le Baedeker lunaire



sotto il sole fol amour


:- :- :- :- :- :- :

à nos rêves ferroviaires
des lignes et des lignes
nous emmènent

de poésie échancrée
sous l’étoffe dans les boutons
le songe de tes mains
sur mes mains

l’iris du regard
   à écailles d’or la sirène se cambre
dans la madrague de ton amour –
ne lit rien de la fable mélancolique

laisses ouvert le jour et tous ses enclos

:- :- :- :- :- :- :

me hâle
au soleil
du mot

la vertèbre poésie l’angle cérébral la courbe animale

courtise-moi encore je n’ignore rien de ton amour
féminité sertie d’œillets de mer

de pigment de pastel

:- :- :- :- :- :- :



ce matin, Different trains

l’espéranto a des sonnets d’ivoire aux yeux bleus et verts des rivières
lascif corsage effarouché – je te parle une langue tressée de brun et de blond

s’apaisera ton regard dans le fleuve de la chambre

:- :- :- :- :- :- :


flexus florens
Nathalie Riera

***

3



aimante matière amante sous ton dard
n’est pas venin mais hymne aux veines et aux racines

le crâne et l’encolure

des coutures et des brisures
travailler le fragment les feulements


me forger à coups de ronces
ardente clairière est mon art

quelque chose d’autre que soi
sans injonction sans adulation



EXTRAIT DE :
Nathalie Riera, Variations d’herbes, 2012
© Les Éditions du Petit Pois • Béziers












***

4
(suite inédite, 2012)




l’immobile plaine

hérissons de mots
grondement d’insectes

l’hymne du poète
 ne se fait dans l’évanescence
ni dans l’irisé d’une aube
ni aux côtés d’une chenille ou d’un papillon

mais dans l’invective ?
le crépuscule ?



Le 23 septembre Michaël Glück à la Petite Librairie des Champs







comme un p’tit coqu’licot

pour Martine Lafon





Petit Chaperon rouge (Boulbon)






1.

cheval fou crazy horse des Peaux-
Rouges criards les avaient pris pour cibles
mad A dam
folie de glaise et de terre
folie des frontières et des fleuves
le sang coule sous les ponts

pigments écrasés sous le mortier des guerres
visages pilonnés
sous la crosse des hommes garance
ô soldats deux trous rouges au côté droit
la couleur intérieure
s’épanche par les plaies











2.

Adam fol Adam mad Adam
A noir… I pourpres sang craché
rires des lèvres belles beauté
beauté rouge krasny Eve n’est pas
née de ta côte tu es né
à côté d’elle la vive

homme de boue femme debout
glaise des jours et calendriers lunaires
quel mercure circule
dans les jambes de l’arbre que nous sommes
la crécelle du sang palpite
chronomètre au poignet





lntérieur de la Gare de St Dalmas de Tende






3.

glébeux si j’ai du goût ce n’est guère
que pour la terre glébeux je me redresse
colonne du chant entre sol et ciel
à l’écoute des voix rebelles
des langues menaçantes qui couvent
sous les volcans éteints

je marche dans le vent de l’histoire
dans les drapeaux de la colère
dans le babil Babel des humiliés
je suis poussière qui se lève
caillou du sang caillot de sang
du rouge au noir











4.

la boue est rouge ou noire Adam &
Eve furent rois toute une matinée
où les tentures carminées
se relevèrent sur les maisons
Beth initiale du Livre de là & ici
demeure le point qui franchit le seuil

alphabets de vivre signature entre
le poème et le paysage signature apposée
sceau de jade gravé un chien rouge
danse sur le papier de Chine
ou bien comme une dernière lettre à Lili
Brik veines ouvertes écrire l’étoile sur le front






Casa Pessoa, Lisbonne





5.

c’est moi qui ai levé mon cœur comme un drapeau
Adam ire Vladimir la fureur de l’apache
tinte à nouveau l’horizon sanglant
traverse le ciel et les couchants
sont aussi des levers de soleil
entre deux nuits ô Commune

la politique
      c’est simple
  comme une gorgée d’eau
comme la sève qui circule
depuis la pompe du cœur
Adam Adam pro-les-terres






Oeuvre de Susanna Lehtinen





6.

crazy krasny folle beauté
au seuil de l’or sans échange
contre-économie du poème
alchimie du verbe
mais je me suis
dompté

le pied
sur la gorge
      de mon propre chant
cheval fou folle jument
homme&femme marées marées
marées des insoumises











7.

amarante andrinople carmin
garance pourpre rubis sang
comme un p’tit coqu’licot mon âme
comme un
Commune sur la Butte
le moulin les vieilles faims

allez savoir pourquoi soudain dans le poème
est passée l’ombre rousse
de la fille du bourreau
Sefchen ô Sefchen première idylle
ciel rouge nous voulons ici-bas sur terre
installer notre paradis

18 février 2008


(Les italiques des quatre premiers poèmes viennent d’Arthur Rimbaud, celles des poèmes cinq et six viennent de Vladimir Maïakovski, celles du dernier poème de Heinrich Heine.)

jeudi 23 août 2012

Florence Noël, Pavane pour une nebbia




pavane pour une nebbia


photo SD



au début mes yeux sont pauvres
reflués comme dans
la marge
pèlerins soucieux de cuir
entre le sol et  la soul
rebutés de ses dehors qui flottent
tout vert au vent

                                                                        au début  mes yeux sont
organes                                                                       et non                                                                           vue
et me meurent 
(forêt  magicienne
ou
jardin d’os ? )
                                                                        et me murent
dans le début de toute vision





petits pas cuisiniers
fast feed
la poussière mange mes jambes
tandis que de mes manches
j’époussette l’invisible
                                                                                          ici
                                                                        le sec d’un ruisseau
scintille de remuements
                                   

mes yeux s’écaillent œufs
trop cuits

il faut l’échauffement et la marche
pour que  l’œil
 s’ouvre




à chaque pas
sa levure
gonflé d’achoppements
d’aplats rouges et de vertiges pâles
de lanière dénouée aux sandales
pour le pain cuit dans le soir

bénédiction de ceux

que rien n’attend






à chaque enjambée
un tourbillon sec
 dans l’argile orangée
des passages
pilon repilé d’abandon
où confuse
                                                                        flâne une gigantesque

fourmi











traversier
l’oiseau parle la langue des écarts
ses envolées courbes
décousent nos raccourcis
d’impatients







arcs ballants
de bras de bottes
le souffle débité ronge
nos poumons fournils
d’été
c’est une fête cette peine cette sueur
pour peu qu’on allume
la pulsation des paupières
qu’on rouvre dans les pupilles
le charbon des gésines







à chaque pas
la peinture
balbutie une langue cavalière
une chevauchée commune
des sons englués                                                  de toile
et de tissus                                                               d’organes
enfouis en nos                                                        chairs
empesées






malgré les frontières en sang
la terre se verse
d’impasses                                                               en                                                                  passes
nuit crayonnées d’âcre
en brûle-rondes                       incendiée
de clameurs éteintes                                    incisée
d’un matin violine
     la    terre
s’amende de
son poids de vœux
orgeat bleu cahoteux
dégluti dans les bouches des collines





nous fûmes longs
de pénombres à gravir
revenus d’ocre comme de cordée
une simple pli-
ure de feux
scellait indéfiniment
l’origami des collines




la buée matinale
défroissait
nos fronts
apprêtés pour l’effort





                                                                                                            piler le chardon bleu
avec un peu de gomme arabique
pour l’évasement du aux ombres
une aile de choucas
frottée aux herses
des pinèdes

il fallut s’éteindre
l’orage a dit la messe
                 depuis
 le sol mange des larmes plein les mains                  
c’est ainsi, vois-tu
                            qu’aux heures inverses
un peu de nous reluit sur l’empierrement









un nœud de gorge
cloué à l’aire des

évents d’aile
l’aire d’où

se surprendre à                                                                                                                              se suspendre à

                                                                        cet éclat de roche fendant
                                                                                          l’abîme céleste
serres au ventre
être sa cible unique
l’aigle






cahin                                         cahot
tu te hisses


les mains crachant l’aride aux poix
la craie n’effraie ni
l’engoulement des brumes  ni
le ronflement  des  derniers morts
sourdant de la colline

nos joies s’y glissent,
petites convives des lares et des ogres






nous
bercés au creux où rien  ne vibre

suffoqués sourds
les jambes en berne
 là !!
de mille trouées dans le maillage des coteaux
                                                                                                                              voir l’herbage reluire
quand monte l’encens
des prières enfouies
                                    nebbia ! nebbia !



(ou était-ce nous
ces perles de revenants nimbés
d’aube ?)

(inédit)

mardi 21 août 2012

La musica en un tranvia checo, Karla Olvera (suite)


Le poète Karla Olvera vient d'obtenir au Mexique le prix d'état 2012 d'Hidalgo, catégorie poésie pour son recueil Quand la neige tombe sur la Méditerranée. Nouvel extrait de son précédent ouvrage, La musique dans un tramway tchèque.


La troisième Matriochka est le wagon dans lequel circulent la danseuse Eduardowa, ses amis violonistes, Franz Kafka  et les autres voyageurs. Elle, cheveux tout juste frisés, traits enfantins, corps athlétique beaucoup plus robuste que celui des danseuses d’aujourd’hui, mouvements plein d’élégance mélancolique. Pieds de princesses destinés à chausser les ballerines de cuir les  plus fines aux attaches de satin, pour l’instant cachés dans des souliers de ville. Assise entre ses deux musiciens.
Devant un tel trio, il est difficile de ne pas évoquer Blonde Redhead, exquis groupe musical new-yorkais dans lequel la chanteuse Kazu Makino  est japonaise et les deux autres musiciens, Amadeo et Simone Pace sont des jumeaux d’origine italienne. Plus qu’imaginer la nationalité des deux violonistes, il conviendrait d’exercer son imagination dans une direction tout aussi excitante : découvrir, par exemple, quel morceau ils ont pu jouer pour plaire à Eduardova, tandis que depuis le  tramway  on apercevait le Château.
Avant tout autre morceau, le premier mouvement du Concerto pour violon et orchestre en Do mineur, opus 53 de Dvorjak : allegro ma non troppo,  étant donné qu’en 1910, il était déjà un des compositeurs tchèques les plus célèbres. Curieusement, Dvorjak écrivit ce concerto, son second, pour le grand violoniste Joseph Joachim peu de temps après l’avoir rencontré. Il en termina la composition l’année suivante ; Joachim refusa de le jouer, entre autres raisons, parce que le premier mouvement s’interrompait trop brutalement. Le concerto fut joué à Prague par le violoniste Frantisek Ondiricek  en 1883, année où naquit Frantz Kafka.

Traduction SD.
Prague, juillet 2012, photo N.Guen

L'autre bout des choses, Slaheddine Haddad


Craindre les gerçures matinales n'aide pas .

Le sang circule mal et
le sniper le sait,
Que tout est là
Quand la Révolution veille.

D'un seul mouvement
Ils ont tous accouru,
Comme un seul homme,
Comme un seul cri,
Comme une seule terre.

extrait de L'autre bout des choses, de S.Haddad, Gros textes 2012

dimanche 19 août 2012

Claire Krähenbühl, poète helvète

Celles d'Occident

Avoir été
-être encore-
La proie du noir
L'ombre du nuage
la rivière sans fond

Et d'un bond         vite
se retourner vers
le feu sans fumée
le nuage clair
l'eau courante du versant

avant la fin du voyage

encre F.Ridard


La lumière a mangé tout le cru
des images
ne reste que l'écorce

celle qui rêve devant l'évier
dit qu'elle voudrait aller
vers le sauvage             elle voudrait
l'espace              alors
qu'elle monte et descend l'escalier

vie trop courte et trop lente


Le soleil a lavé tout le rouge
des images
ne reste que le bleu
Le journal a jauni               Les nouvelles
ont perdu leurs joues fraîches
                On ne sait plus rien du Pérou
                 plus rien des volcans

(Dans le rêve une voix dit: la vie n'est
que l'amour
et la rêveuse a répondu
on est tous morts)

Celles qui étaient à l'occident
qu'ont-elles fait de leurs nuits?
collages SD
(...)

C.K, in Trois poètes helvètes, éditions du Murmure