lundi 28 mai 2012

EXPOSITION: le camp de Rivesaltes à La Courroie, Entraigues (84)

Une exposition-installation remarquable par une artiste, Nicole Bergé, dont le regard a rendu vie aux objets abandonnés sur le site du camp de Rivesaltes. Sur le site de la Courroie : www.lacourroie.org et contact pour visiter l'exposition.

Généalogie de l'algue, Jean-François Agostini

Ne pas croire cela si facile       en fin de mai
d'écrire à cause des jours plus longs et de la
lumière     partout derrière les vitres propres
jusque sur le filandre   pendant de la poutre
               La gravure de (maria) maddalena
s'incruste dans le mur     à force de lectures
imparfaites        peut-être faut-il y entendre
quelque chose      comme la ligne musicale
-plutôt qu'une fantasia    ou qu'une écriture 
primitive ) d'un très lent plissement de dune
au bord d'un paysage           se renouvelant
à l'identique           lors des césures du vent

et celui-là en hommage à James Sacré

Les jours d'octobre
                              Le chasseur d'oeil change de 
tête    mais son masque   d'où ne percent regards
demeure même
                           Assis dans la vaguement verte
on écoute la brise lente                        parcourir
un paradis de poussières                 - posé sur le
sable      dans l'ombre d'une chaise longue à l'os
sature oxydée   -  qu'après nager              on lira   
Le chien sans laisse  un chemin à l'oiseau perdu 

Un geste démarre le corps                   allégé de
peu penser
                  On flotte  comme une planche molle
épouse                  les flottements du pays marin

                  Un filet de sel enserre les mots pliés


J.F. Agostini, Généalogie de l'algue, éditions Jacques Brémond




samedi 26 mai 2012

LES FELOS encore, et le carnaval...

"Je pense à des carnavals qui m'emportent
Et qui n'existent plus
Où moi j'ai vécu. Je voudrais venir
Dans un costume de mots
Pour dire à mon village
Qu'on se demande encore, à des endroits qui lui ressemblent
(Châtaigniers, la pluie, quelques paysans),
D'où on vient, qui on est?  
Personne a jamais trop su,
Quel sens et pas de sens
En de vieux gestes continués
Parmi ceux de la modernité?"
James Sacré, Si les felos traversent par nos poèmes? ed.J.Brémond


LES RENCONTRES DE LA FEMME RENARD
Mercredi 30 Mai 2012
Soirée Vernissage Rencontre Et Lectures

Sylvie DURBEC et Nathalie GUEN
présentent leur exposition
Smouroute

Rencontre à partir de 19h
Nous avons le plaisir d'accueillir Sylvie Durbec et Nathalie Guen, pour une soirée particulière autour du vernissage de leur exposition « les aventures de Smouroute, le chat lapsus »... Sur des textes de Nathalie Guen, Sylvie Durbec a laissé libre cours à son imagination en se servant de tous les papiers de rebut qu'elle a pu trouver... pour en faire des collages smouroutiens...
Ce sera également une belle soirée lecture avec des extraits de « Smouroute va à la cuisine » de et par Nathalie Guen, et des extraits de « La Huppe de Virginia » de et par Sylvie Durbec...
Sylvie Durbec est née à Marseille en 1952. Elle vit entre Avignon et Tarascon dans un ancien moulin où elle a installé une petite structure associative, visant à promouvoir la poésie, la petite édition, et les artistes, La petite librairie des champs, à Boulbon. Poète et traductrice, elle est aussi romancière, et auteur de nouvelles et de livres pour les enfants.
librairie La femme renard  – 115 Faubourg Lacapelle – 82000 Montauban 05 63 63 01 83 librairie@lafemmerenard.fr 

vendredi 25 mai 2012

Si les felos traversent par nos poèmes? James Sacré

Le livre de James Sacré est arrivé hier, comme une surprise de fête, comme une aventure de sens. Le poète à la rencontre du carnaval, en Galice. Un livre où d'étranges "felos" traversent le livre et passent par le poème pour nous interroger. Encore une fois, il s'agit d'un voyage et de la nécessité pour le poète de tenter une écriture: celle de l'étranger accueilli" dans une intimité de cette fête de carnaval en Galice ou s'il me fait savoir que ma maladresse signe mon statut d'étranger?"
Le poète ne peut être que celui qui marche à côté et questionne ce qu'il voit et ce qu'il est au milieu des autres déguisés :"Pour dire on se demande à la fin quoi".
Comment marcher à côté des felos, c'est le poème qui va donner une tentative de réponse.
Les paillettes brillent sur la couverture conçue par l'éditeur Jacques Brémond et font de ce livre une invitation à la fête. Images et textes nous emmènent tout près d'une manière de penser la poésie comme approche des hommes et de leurs coutumes/costumes. Et le livre, dans sa matérialité même est une autre manière de célébrer l'étrange accord du carnaval et de la poésie.

Même à l'occasion des grands défilés fêtards
Organisés tenus selon que c'est prévu,
Bâle ou Rio, Nice et partout, tenus mais
Quand même à des moments, ça s'en va
comme à côté:
Un fifre et deux tambours tournent 
Le coin de la rue
(Tant pis t'auras pas ta photo!) ou fifre
tout seul
Avec son costume et sa façon têtue
D'avancer dans la ville jusqu'à où on se 
demande, et ça sera
Qu'un retour à sa maison, le masque ôté,
plus rien.
Si la fête au loin continue?


Si les felos traversent par le poème, page 13, ed.Jacques Brémond, 2012



mercredi 23 mai 2012

Le journal d'un manoeuvre, Thierry Metz

28  juillet. - Midi me ramène toujours au plus clair, à une façon d'être qui se contente d'un peu d'eau, de pain et de quelques mots. Une eau qu'on a été chercher sous la pluie, un pain qui a cheminé dans les poches de l'oiseleur, des mots qui ont gardé mémoire de ce qu'ils ont vu. On peut tresser longtemps à partir de ces brins d'herbe, faire un éventail ou un panier, une barque ou un berceau. Midi est une heure imaginaire. Tout devient possible. Car si l'homme a besoin d'outils pour trouver ses mots, il a besoin de crayons de couleur pour peupler les récits de son souffle. Et du petit singe qui est notre regard.
  Midi a aussi un visage. je l'ai vu aujourd'hui, c'est un homme coiffé d'un chapeau de feutre. Je mangeais sur une planche d'échafaudage quand il est arrivé. Il m'a salué, m'a souhaité bon appétit.
(...)
Qui est-il celui-là qui porte les vêtements usés de son nom, de ses actes? qui va pieds nus dans de grosses chaussures noires?
Je décide que cet homme sans voix: c'est la mort.
Un mort qui me demande, avant de partir, s'il peut emporter les bouteilles consignées qui traînent par terre.

Le journal d'un manoeuvre, Folio, 1990

Ici je note avec émotion certains mots comme oiseleur, pain, berceau ou encore feutre. Sans oublier le petit singe, celui qu'on a dans le regard et que  Sophie Podolski, je crois, imaginait sur son épaule. SD

Schubert, un rêve, infiniment...


 

J'étais un frère de beaucoup de frères et soeurs. Mon père et ma mère étaient bons, animés par un amour profond.
Un jour, le père nous conduisit à un joyeux banquet. Mes frères étaient gais. Moi seul, j'étais triste. Mon père s'approcha de moi et m'invita à goûter de ces mets savoureux. Mais je ne pouvais pas. Il se mit en colère et me chassa de sa vue. Le coeur plein d'un amour infini pour ceux qui en faisaient fi, je portai mes pas ailleurs. J'errai dans une contrée lointaine. Des années durant, la plus grande douleur et le plus grand amour se mêlèrent en moi. Alors me parvint la nouvelle de la mort de ma mère. Je revins en hâte pour la voir et mon père, attendri par le chagrin, ne m'empêcha pas d'entrer. Lorsque je vis sa dépouille, les larmes coulèrent de mes yeux. Elle nous avait recommandés par un voeu de lui survivre comme au bon vieux temps, ainsi qu'elle avait vécu elle-même, et ainsi que je la voyais reposer.
Dans le deuil, nous suivîmes sa dépouille jusqu'à ce que le cercueil soit enceveli. A compter de ce jour, je repris place dans la maison. Mon père me reconduisit comme par le passé dans son jardin favori. Il me demanda s'il me plaisait. Mais ce jardin me répugnait tout à fait et je n'osai rien dire. Alors, mon père s'emporta et me demanda pour la deuxième fois si le jardin me plaisait. Je répondis non, en tremblant. Mon père me battit et je m'enfuis. Et, le coeur plein d'un amour infini pour ceux qui en faisaient fi, je portai mes pas ailleurs une deuxième fois. J'errai dans une contrée lointaine. Je chantai des lieder durant de longues, longues années. Voulais-je chanter l'amour, celui-ci se changeait pour moi en douleur. Et voulais-je rechanter la douleur, celle-ci se changeait pour moi en amour.
Amour et douleur se mêlaient en moi.
Un jour me parvint la nouvelle qu'une pieuse jeune fille venait de s'éteindre. Un cercle se formait autour de sa tombe, dans lequel des jeunes gens et des vieillards se promenaient sans fin comme dans la béatitude. Ils parlaient doucement pour ne pas éveiller la jeune fille. Des pensées célestes semblaient continuellement jaillir de la tombe de la jeune fille vers les jeunes gens comme de légères étincelles produisant un doux murmure. Alors je souhaitai m'y promener moi aussi. Mais seul un miracle, disaient les gens, me permettrait de m'y introduire. Je m'avançai à pas lents, dans la foi et le recueillement, les yeux baissés vers la tombe et, avant même d'en avoir pris conscience, j'étais dans le cercle, d'où émanaient des sons merveilleux ; et j'éprouvai la béatitude éternelle comme ramassée en un instant. [fin de la lettre, prise dans la traduction de Prod'homme] Je vis aussi mon père réconcilié et aimant. Il m'entoura de ses bras et pleura. Mais moi je pleurai plus encore.

Franz Schubert, 3 juillet 1822.

mardi 22 mai 2012

FRUITS, Louis CALAFERTE, éditions HESSE

Joie de découvrir ces poèmes et dessins de Louis Calaferte, au Blanc, lors du X° chapitre Nature...
FRUITS a une particularité, on peut y voir le talent de Calaferte : il peint le fruit dont il parle et nous offre une délicieuse promenade dans son jardin.
Qu'on en juge:

La mirabelle

Mirabelle belle Marie
Mirabelle goutte de lune
Mirabelle sauvagerie
Mirabelle qui êtes prune
Mirabelle serez cueillie

La noix

Ce serait un soir de décembre
De la neige avec un vent froid
Nous serions au fond d'une chambre
Et nous grignoterions des noix

La poire

Je n'aime guère ces avares
Qui pensent à leurs soifs futures
Moi je bois aujourd'hui ce que Dieu donne à boire
Et pelissée dans ses dorures
Je ne la garde pas je mange cette poire

Le citron

Des soirs de Méditerranée
Où tout est jaspes et poinçons
De parfums lourds à se damner
Sur les terrasses étonnées
La pâleur verte du citron






De retour du Blanc, lire, écrire

C'étaient les 10 ans de Chapitre Nature
qui rime avec lectures
et belle aventure!
Merci à Emmanuelle et Emmanuel Dunand, Martine Lafon, François Forêt et tous les autres!


lundi 14 mai 2012

Smouroute au Blanc pour les 10 ans de Chapitre Nature!

Smouroute mais aussi Virginia (et sa huppe) et Soutine auront le plaisir de revenir au Blanc, en pays de Brenne et d'étangs.
Il y aura des expositions, des conférences (Coline Serreau, samedi soir) et même des lectures. Voir sur le site de Chapitre Nature.


Lectures
 (pour le vendredi)
11h : Cour des Moines ; Choir de Eric Chevillard (Minuit), par François Forêt
14h : Cour des Moines ; Dans les plaines de Sibérie de Sylvain Teysson, (Gallimard), par Emmanuel Chevalier
17h : Salle Libération ; Le dormeur, de Martine Lafon (texte écrit en résidence en Brenne 2012), par l’auteur.
18h : Cour des Moines, Ce qu’il advint du sauvage blanc de François Garde (Gallimard), par l’auteur.

(pour le samedi)
Lectures
11h : Cour des Moines ; Ce rouge, de Sylvie Durbec (Atelier du hanneton)
16h : Café du Centre : Choir de Eric Chevillard (Minuit), par François Forêt
18h : Café du Centre : Sélections textes Loïc Lantoine et Gaston Couté, par Yves CHampigny

(Pour le dimanche)
Lectures
11h : Cour des Moines ; T.I.N.A. de Simon Grangeat, par l’auteur et les comédiens de T3 Cie
14h : Cour des Moines, Ce rouge, de Sylvie Durbec (Atelier du hanneton)
16h Café du Centre, Cruelle nature de Pascal Dessaint, (Rivages), par l’auteur.

samedi 12 mai 2012

Pierre Bergounioux

..."J'entendais, par intermittence, un gazouillis lointain et dans les intervalles de plus en plus longs, il n'y avait plus que l'odeur d'humus, la saveur acidulée de l'air froid, le goût d'arbre.
  Il y a un ultime intervalle, un dernier gazouillis après quoi c'en est fini de la voix du dedans. Ce n'est même plus un oiseau. Pourtant, je suis rentré parce qu'un jour j'avais voulu. Je devais. Je me suis détaché du tronc, j'ai hasardé le premier pas vers ce canton de ténèbres au pied duquel scintillait l'essaim des lumières de la ville. C'est comme de naître, un arrachement cruel. Les jambes, qui touchaient terre, ont contracté, les premières, la rigidité des racines aériennes, des contreforts que possèdent certains arbres exotiques. On a les joues cartonneuses, insensibles, comme de l'écorce, les dents soudées au point que, on a perdu l'aptitude à modeler des sons, à former des paroles, avec. Car c'est quelque chose dont on peut aussi se passer quand on a rallié la forêt, les royaumes de la nuit."

Pierre Bergounioux, L'orphelin, page 66, Imaginaire Gallimard

Susanna Lehtinen expose ses dessins dans la chapelle de Truel, Roquemaure



Un beau travail de lignes de fuite et de corps, des retrouvailles avec le dessin et le crayon mais aussi la gravure et la couleur. Poésie du trait, de l'effacement des lignes que l'on découvre entremêlées, palimpsestes superposés à déchiffrer. La mémoire, dit Susanna, telle une boîte dont parfois on peut s'échapper a servi de fil directeur à une série de dessins-gravures et on peut y voir aussi l'herbe courbée sous le vent. L'exposition est visible aujourd'hui et demain seulement dans la très jolie chapelle du Truel, chemin du Truel, non loin de Roquemaure.

vendredi 11 mai 2012

Le paradis de l'oiseleur, avec Giorgio Caproni


L’oiseau

I, son visage,

(Et il faudra redescendre,
retourner peut-être à Rome.
Il faudra que je retourne
(peut-être) attendre qu’une colombe
blanche se pose, venue
d’une chanson à la radio,
se pose sur mon épaule épuisée.
Et enfin (enfin) je pourrais reposer
la plume, refermer la commode
dire à Rina, à mon fils et ma petite :
« C’est la fête ».)[1]


il y avait un visage
ce visage faisait une faute

là où il y a des mots
certains visages ne passent pas
surtout la nuit

(Expérience
Tous les endroits que j’ai vus
que j’ai visités,
maintenant j’en suis sûr :
ils n’ont jamais existé.)[2]


II, ses questions

comment va ta fille
celle qui est malade
qui va faire sa lessive ?

que feras-tu plus grande ?
(je changerai ma mère en oiseau)

qui seras-tu plus grande ?
(je serai une feuille de papier
accrochée au mur de sa maison)

Où range-t-on
ce qu’une petite fille a pensé ?
(vite un peu de papier plié replié :
la lessive de la pensée est protégée)




(Pieuse pensée

L’immensité de Dieu tient peut-être
à son inexistence ?)[3]



 Le paradis de l'oiseleur, poème de SD, publié aux édition POÏEN, 2012


[1] Caproni, idem
[2] Idem
[3] Caproni, O.C.

jeudi 10 mai 2012

Claude Esteban, Quelqu'un me parle, je ne sais pourquoi, de la couleur de la mer...

Quelqu'un me parle, je ne sais pourquoi, de la couleur de la mer. C'est un homme très délicat, très sensible, et sans doute pense-t-il qu'en me parlant ainsi, il va me distraire de mon malheur, peut-être même me guérir de mon malheur, l'espace d'une minute. J'écoute cet homme, et moi qui ne me soucie nullement de ce genre de choses, la nature en général, les arbres, toutes les plantes, voilà que je m'intéresse à ce qu'il dit. Car ce qu'il dit n'a rien à voir avec la mer et sa véritable couleur, bleue ou verte. Cet homme qui, apparemment a beaucoup lu, beaucoup médité sur ses lectures, parle de la façon que les poètes ont eu, jadis, de qualifier la mer. Ainsi, me dit-il, Homère, est-ce dans l'Iliade ou dans l'Odyssée, écrit à plusieurs repirses: la mer, couleur de vin. Il prononce le vers en grec, très lentement et se rendant compte que je ne comprends pas le grec, il me le traduit, avec un petit sourire de connivence: la mer, la mer, couleur de vin.
Je souris à mon tour, je ne sais pourquoi, parce que l'image est incongrue ou surprenante ou belle. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi je souris de la sorte, mais quelque chose me fait du bien dans cette image. Il y a dans cette image comme de l'amitié, et peut-être de la tendresse. l'homme le sait, sans doute, et il répète: la mer, la mer, couleur de vin. Je voudrais bien me retenir devant lui, mais rien n'y fait, je souris à nouveau, malgré moi. (...) C'est comme si un peu de mon malheur, ce que j'appelle mon malheur, se dissipait. C'est comme si la mer, la mer couleur de vin, marchait avec moi, me posait la main sur l'épaule.

Claude Esteban, Phrases, la nuit, in revue Po&sie n°71

mercredi 9 mai 2012

Max Aub, Crimes exemplaires

Non, j'aurais dû me suicider, mais le pistolet s'est enrayé.
Je jure que la dernière balle était pour moi. On ne peut mieux faire pour régler ses comptes en face. De là, de la fenêtre, aucun ne pouvait m'échapper. Ca me rappelait le bon temps où je chassais encore.

...

Quand il était saoul, il cassait tout. Il faisait des moulinets avec son bâton. Cette soupière était la seule chose qui me restait de maman. Qu'il fasse ça avec tout le reste, passe, mais la soupière, non! Je ne l'ai pas fait avec le pic à glace. Monsieur, non, je l'ai fait avec le fer à repasser.

Max Aub, Crimes exemplaires, libretto Phébus

mardi 8 mai 2012

Khurbn (extraits) Jérome Rothenberg

DOS OYSLEYDIKN(L'évidement)
rue de miel à ostrowa
où sont allés les gens de miel?
vide         vide
miodowa vide
vide la boulangerie & vide la route de varsovie
maisons de bois jaunes & maisons toutes enduites de stuc
l'ombre d'un nom vide encore sur les portes
shadai & ombre fracassant la langue maternelle
ma langue maternellle mais vide
comme sont vides les rues où nous marchons
poussant en avant des foules d'enfants
des vieilles femmes prenant l'air devant l'hôtel de ville
des vieux fermiers conduisant des charrettes sur des routes vides
qui ne dissipent pas mais produisent le vide
un goût de miel vide
vides les tranches de pain au travers desquelles passent nos doigts
vide la soupe à l'oseille dégouttant de leurs bouches vides
définissant quelque autre pologne
perdue pour nous comme la lune
est perdue pour nous
la tour de l'horloge vide mesurant sa lumière dans quatre directions
oseille dans les jardins mère de dieu au bord des routes
dans le reflet des trains vides
seul le bétail beugle en entrant
comme des juifs yeux embués les vagabonds
sont encore là     les mouches encore
couvrent leurs yeux

(...)
Jerome Rothenberg, in Po&sie n°71

lundi 7 mai 2012

Au coeur des Himalayas, ce matin, devant la colline, le Tibet est tout proche!


Cheminant depuis plusieurs semaines avec Alexandra David-Néel, je regarde ce matin la colline avec reconnaissance.
Et avance en sa compagnie en rêvant, en marchant, en lisant.

"J'adore les nuits passées, parmi la jungle, sous la tente. Mieux que dans le plus rustique des logis, on s'y sent plongé dans la nature, un avec les choses environnantes. Quel délice d'être seul, blotti dans une couchette étroite touchant au mur de toile qui frisonne sous le vent, écoutant les cris des oiseaux nocturnes, le frôlement d'êtres invisibles, tout proches; une nuit, un serpent avait rampé lentement dans l'herbe sèche près des pieds de mon lit de camp, puis s'était éloigné.
C'étaient mes rêves de petite fille sauvage que je vivais là. si les dieux avaient été bons, ils m'eussent endormie  du grand sommeil pendant une des ces nuits de jungle..."
Au coeur des Himalayas, petite bibliothèque payot

samedi 5 mai 2012

Nous voterons encore pour Lucien Suel et sa petite Ourse de la Pauvreté!

..."Je trempe ma tartine dans le noir, dans le ciel bleu, dans la terre grise. Je ne suis pas dans le bol. Je suis dans le bol.

C'est tellement bien ici. La lumière, la verdure, le bruit des eaux, la vie transfigurée. Je me couche sous l'arc cotonneux entre les prophètes ombrés.

Les protozoaires à noyaux oscillent à l'abri de mes paupières. Les poissons-oiseaux ébrouent leurs nageoires, la larve de piéride gonfle son ventre et je déchire sa peau tendue. Les amibes flagellent ma salive. Sur les marches de l'escalier, l'oiseau-poisson couve un plat de lentilles. A saint-Venant, l'anguille mange le morceau: Sainte, Folle, Sainteté de la folie, Folie de la Sainteté. Je photographie le front bombé des iconoclastes.(...)Mes frères me regardent, défenseurs immatérialistes bruts: Adolf Wölfli, Joseph Moindre, Victor Simon, Raphaël Lonné et Joseph Crépin.
(...)
Lucien Suel, Petite Ourse de la Pauvreté, Mastaba d'Augustin Lesage, Dernier Télégramme ed.

jeudi 3 mai 2012

Jacques( pour auprès) de la petite enfant, de Jacques Estager (extrait)

nos nuits réunies comme par le présent de la nuit éblouissante, celle dernière, la même première, dans la petite enfant, la nuit aussitôt et le long d'un chemin disparue par enchantement, dans la chaleur, la noirceur et la clarté de l'hier du bien-être nous pouvons dire la pâleur dite par la nuit enfant
(...)
pour dire la pâleur dite par la nuit enfin à t'écouter marchant sur chemin parlant sur voix je ne sais pas si - nous- le peut mais sûrement tu, et dans la nuit pâleur parlée de l'enfant au bosquet on va glissant de très petits secrets à la bouche mâchant le jour
 sur la pâleur des joues fait venir l'enfant au matin dans le chemin parlé d'après nuit

4 mai, Médiathèque de St Vincent près le Puy en Velay

Lectures de deux poètes amies, Sylvie Durbec et Nathalie Riera

mercredi 2 mai 2012

L'enterrement à Sabres, LXXI, Bernard Manciet

(...)
los Sabrots valen plan los tons sants a beths cops
noste Sénher - la Dumorà la Marià
mamiselà Vincens e lo Julhon
-que pintava lo praube - hart bohat!- e la dauna
de Capvath lo Durban e lo Felix Tartàs
lo Gran Haur
los Versalhas dont las divossin coser - los Auchèths
de Cap-deu-Pont lo Tit la Grua-Caïfa
lo Croc-Agaça lo Richichiu! lo Vastin
Toton l'Africa Vidalàs e lo Corau
dont èra - alas- poèta - balhas los-i Senhor
un troç de candela
o de candelon
e l'Anna deu Molin Nau

il en est de Sabres qui valent bien vos saints
Seigneur Maria Dumo Mademoiselle Vincent et Juyon
-certes il buvait jusqu'à non plus- et la Donne
du Couchant et Durban et Felix Tartas
le grand Forgeron
et celles de Versailles que l'on aurait dû coudre et les Oiseaux
du Cap du Pont le Bec-Fin la Grue-Caïffa
le Mi-Corbeau et le Rossignol! et Vastin
et puis Lafrique et Bidalas et ce Coureau
qui fut hélas poète - accorde-leur Seigneur
un morceau de chandelle
un bout de rat-de-cave
et Anne du Moulin Neuf

Edition bilingue (occitan-français)

mardi 1 mai 2012

Parler nu, Brigitte Gyr, aux éditions Lanskine

à l'intérieur de soi
gît    la menace 
        de l'arbre
ses racines qui
creusent     sa terre
comme
une langue
creuse      la gorge
sa parole de
feuille      à peine éclose
                déjà atone
jour et nuit
maintiennent la terreur
dans...

Brigitte Gyr vient de recevoir le prix Charles Vildrac et nous nous nous en réjouissons.